Ice Age... [R.]

Non mais quelle idée. Quelle 'magnifique' idée que d'être venu à la patinoire ce soir-là. Comment aurait-il pu penser un seul instant qu'il tiendrait debout sur la glace, dans ses monstrueuses inventions inhumaines à ses pieds, sans tomber comme un pingouin bourré à chaque fois qu'il trouvait le courage de faire un pas de côté ou en avant ? Il en était sûr et certain à présent, les patins, à la base, ils étaient inventés comme un instrument de torture. C'était la seule explication logique que Liam pouvait trouver. Après avoir jeté un regard noir et foudroyant à deux bambins qui gloussaient et se moquaient visiblement de son manque d'expérience sur la patinoire, Liam décida une bonne fois pour toutes de s'accrocher au bord, et de ne plus jouer à Iceman. Il pouvait pas tenir en équilibre sur deux patins, et alors ?! Il pouvait tenir en équilibre et faire preuve d'une incroyable souplesse dans d'autres circonstances, beaucoup plus agréables et utiles, en plus. Mais sa fierté en avait prit un sacré coup, et il se maudissait intérieurement d'avoir quitté le campus ce soir. Il aurait pu passer la soirée à regarder la télévision, à l'approche de Noël, les chaînes ne manquaient pas d'émissions idiotes mais tellement drôles. Il aurait pu rester sous la couette, tout simplement, à ne rien faire à part roupiller, rattrapant les heures de sommeil qui lui manquaient affreusement à cause de ses cours plus que fatigants. Il y avait des tas de possibilités, les unes plus alléchantes que les autres, mais non, il a fallu qu’il vienne sur Trafalgar Square, qu’il traverse toute la place pour se rendre à Somerset House Ice Rink.

Liam souffla et se retourna, sa main droite refusant catégoriquement de lâcher le bord. Le spectacle était magnifique, et personne ne pouvait le nier. Les guirlandes clignotaient et décoraient chaque arbre autour de la grande patinoire, tout était illuminé, scintillant, c’était tellement beau qu’on se demandait si c’était bien réel, puisqu’on avait la vague impression de se trouver dans un conte de fées. Non loin de la patinoire, dans un stand également décoré d’étoiles et de guirlandes, on préparait du chocolat chaud avec des guimauves, et l’odeur délicieuse avait imprégné l’air doux de la nuit. Ceux qui venaient ici, peu importe leur véritable âge, devenaient tous de grands enfants, à rire et tourner sur la glace, avant de venir se lover dans les bras de ceux qu’ils aimaient. Liam se mit soudain à penser à Kally, mais curieusement, ce n’était pas sa dernière réflexion profonde qui évoqua en lui le souvenir de sa petite-amie, mais bien ce parfum de chocolat qui flottait dangereusement sous son nez, une voix intérieure le persuadant de lâcher le bord et de se glisser vers la sortie pour aller s’acheter la boisson chaude à cause de laquelle il se raclait déjà la gorge. Il baissa un regard hésitant sur la surface lisse de la patinoire, comme s’il étudiait mieux l’ennemi pour pouvoir l’approcher. Ca ne lui inspirait pas confiance, pas du tout. Les patinoires et lui, ça a toujours été une grande histoire d’amour…

Flash-Back.

Un garçon d’environ six ans entra à la vitesse d’une fusée dans la maison, et montant l’escalier en bois en sautant quatre marches à chaque fois, il fonça vers un carton à l’air vieux et usé, posé dans le coin de sa chambre, au deuxième étage. Il commença alors à fouiller dedans, l’air impatient, un grand sourire collé aux lèvres, lorsqu’une voix féminine l’interpella.

« Liam, qu’est-ce que tu fais ? » lui demanda sa mère en s’appuyant contre l’embrasure de la porte laissée grande ouverte par le garçon, en souriant tendrement. Son regard avait toujours été aussi clair qu’un ciel bleu de printemps, et la douceur de son sourire n’avait jamais quitté son visage, lui donnant l’apparence d’un ange bienveillant. Liam arrêta enfin de fouiller dans le carton, et se retourna vers sa mère.
« Papa m’a dit qu’il m’emmenait au lac pour patiner ! Il a dit que la couche de glace était bien épaisse maintenant, qu’il n’y avait plus à craindre qu’elle se brise » déballa-t-il sans reprendre son souffle, les yeux brillants de joie.
Eileen le regarda longuement, son expression devenant plus anxieuse. Elle finit par s’approcher de lui et s’accroupit à ses côtés, caressant ses cheveux blonds en les ébouriffant légèrement.
« Tu as toujours rangé tes patins sous ton lit, mon chéri » dit-elle avec un nouveau léger sourire, avant de tirer un carton de sous le lit de Liam, pour en sortir une paire de patins blancs que son fils s’empêcha d’attraper, le sourire rayonnant. Mais alors qu’il s’apprêtait déjà à se lever et s’enfuir plus vite que son ombre, Eileen le retint par la manche de sa veste.
« Tu me promets de faire attention ? »
« Comme toujours ! » annonça Liam en riant, avant de coller un baiser rapide sur la joue de sa mère et quitter la chambre en courant sous le regard attendri d’Eileen. Les pas de Liam résonnèrent dans la maison alors qu’il descendait l’escalier, de nouveau à la vitesse de la lumière. Eileen se leva et s’approcha de la fenêtre pour regarder son fils traverser rapidement la route enneigée et courir vers un homme qui l’attendait un peu plus loin. Alors qu’un sourire attendri effleurait les lèvres de la jeune femme blonde, elle fronça légèrement les sourcils et toussa, portant une main contre sa poitrine. Elle avait sûrement dû attraper froid…

***

Le petit Liam se laissa glisser sur la surface gelée du lac, ouvrant grand les bras pour mieux garder l’équilibre. Resté plus loin, son père l’observa attentivement. Pendant qu’il avançait, toujours un peu hésitant, Liam finit par sourire et tenta de se retourner, mais ne parvint pas à rester debout et tomba lourdement sur la glace.
« Mais non, enfin, Liam ! » s’exclama Adrian avec une pointe de colère dans sa voix. « Tu ne dois pas pivoter sous un angle pareil ! »
Le garçon laissa échapper un grognement de douleur et grimaça en regardant son poignet.
« Papa, je crois que je me suis cassé le poignet… »
« Arrête donc de pleurnicher et relève toi » lui ordonna son père sans aucune once de compassion ou d’inquiétude dans le regard.
« Mais… » commença Liam en se mordant la joue pour ne pas pleurer, plus de déception que de douleur, puisqu’à ce moment là, son poignet qui lui faisait affreusement mal après sa chute, n’était rien comparé à l’attitude que son père avait.
« Je ne le répéterai pas une deuxième fois, Liam ! Tu te lèves immédiatement, et tu reprends dès le début ! Dépêche toi ! »

Fin du Flash-Back.

Emergeant doucement de ses souvenirs, Liam releva les yeux et regarda une nouvelle fois autour de lui. Il venait d’avoir l’impression de s’être déconnecté de la réalité pendant des minutes entières, pendant qu’au fond de sa mémoire, les bribes de son enfance liés aux événements du présent, s'éveillaient sans même qu’il ne le veuille vraiment. Ce n’était pas le genre de choses dont il aimait se rappeler, et inutile de dire que Liam était plus quelqu’un qui vivait au jour le jour, sans jamais être nostalgique ou mélancolique d’un fait oublié dans le passé. Le jeune homme finit par lâcher le bord et se glissa prudemment, parvenant petit à petit à regagner la sortie de la patinoire. Une fois sur la terre ferme, il poussa un soupir soulagé et enleva rapidement les patins, pour se dépêcher de rejoindre le stand qui vendait des chocolats chauds.

Le vent était frais, et quelques flocons s’autorisaient de temps en temps à s’écraser contre le sol Londonien, en cette journée d’Hiver. Kally prit une profonde inspiration, rajusta son écharpe et jeta un coup d’œil à sa montre. Les cours de la journée venaient de se terminer, et bien qu’une personne pleine de bon sens serait rentrée dans sa chambre pour étudier, Kally ne l’entendait pas de cette oreille. Une envie subite d’un café, ou d’un chocolat chaud en ville la frappa. Elle esquissa un sourire et remonta sa hanse de sac, elle se dirigea vers la sortie pour gagner au plus vite le centre ville.

Les mains fourrées dans ses poches, son bonnet enfoncé sur le crâne et son écharpe serrée autour de son cou, la jeune autrichienne avança d’un pas rapide et décidé. Soudain, elle déboucha sur une large place. Elle se stoppa, et ses lèvres esquissèrent un large sourire de satisfaction. Elle bifurqua sur la gauche très légèrement, gagna le comptoir d’un petit café. Elle s’avança et commanda un cappuccino brûlant. Elle attrapa le gobelet, paya son délicieux breuvage et remercia poliment le serveur. Elle sortit, portant le café à ses lèvres, et se redressa sur la pointe des pieds pour tenter de voir ce qu’éclairait si fortement les loupiottes. Elle pencha sa tête légèrement, plissant ses yeux, très intriguée.

Elle finit par se décider d’approcher du centre où grouillait une foule dense. Elle se fraya un chemin et soudain, sous ses yeux émerveillés, elle vit avec un plaisir contenue la patinoire. Son sourire réapparu. Mais oui bien sûr ! La patinoire ! Elle y était venue, oh mon dieu voilà des années avec son père et son cousin. Ils avaient joué au hockey. Enfin Noah et son père, elle restait sur le côté, tellement apeuré d’oser patiner sur la glace, persuader que si elle se brisait, elle tomberait dans l’eau glacée. Elle arriva à se frayer tant bien que mal jusqu’à la rambarde de la place glacée et, un sourire ravi amusé et enfantin aux lèvres, elle commença à observer les grands courageux s’oser à se mouvoir sur la glace. Elle était même impressionner que certains se débrouillaient avec tant d’agilité. Bon sang mais comment faisait il pour rester en équilibre sur une lame de rasoir ?

Balayant la patinoire du regard, ses yeux s’arrondirent, et elle ne put s’empêcher de ricaner en reconnaissant une des personnes qui se trouvaient sur le côté, en train d’ôter ses patins. Elle se faufila, se pinçant la lèvre inférieure et enfin, elle le posta en face de cette personne untel dit. Elle posa ses mains sur ses hanches, et dit distinctement pour qu’elle puisse l’entendre à travers le brouhaha de la foule :
- Oh non les enlèves pas je trouve que t’es super sexy avec...
dit elle en faisant une petite moue mi-boudeuse, mi-mutine

Elle passa une main dans ses cheveux, les ébouriffants, histoire qu’il sache directement qui se tenait au dessus de lui. Elle était surprise et ravie de voir que Liam se trouvait ici. Ils pourraient en profiter pour se sortir, chose qu’ils n’avaient pas vraiment eu le temps de faire depuis la rentrée.
Elle sourit, et s’assit près de lui en faisant claquer ses mains sur ses cuisses. Elle haussa les épaules, un sourire amusée aux lèvres, comme ceux qu’on les petits enfants qui sont amoureux. Ben oui quoi…Elle l’aimait son Liam…

Non seulement ces affreux patins étaient responsables de ses nombreuses chutes, - qui, d’après lui, l’avaient bien ridiculisées -, en plus, il n’arrivait plus à les enlever. Avec tous ces fixations, lacets et Dieu seul sait quoi, il était complètement perdu. Et voir des gamins de dix ans mettre et ôter leurs patins à la vitesse à laquelle Lucky Luke dégainait son pistolet dans le dessin animé, ça mettait vraiment Liam en rogne.
Avec des grognements et râles mécontents, tout en rouspétant des phrases inexplicables sous son nez, il finit enfin par enlever les monstrueux engins de ses pieds, lorsqu’une voix familière parvint à lui, se distinguant parmi les rires, sifflements et autres bruits de la foule autour de la patinoire. Trop familière, en effet, pour ne pas être tout de suite reconnue par l’esprit ‘vif’ de Liam. Plié en deux et toujours penché en avant, il releva d’abord un peu ses yeux gris, regardant les pieds de Kally, puis finalement, leva la tête pour la regarder. Il ne répondit pas tout de suite à sa remarque, l’air boudeur, et plissa le nez enlevant un de ses gants pour regarder sa main.

« Tu sais que tu m’as toujours fais peur avec tes fantasmes… Mais alors les patins… là ça dépasse tout ce que j’ai pu imaginer » lança-t-il sans la regarder, un fin sourire moqueur se dessinant sur ses lèvres. Il finit par tourner la tête vers elle et la regarda quelques instants. Il ne s’attendait pas à la retrouver ici, mais maintenant qu’elle était là, il en était particulièrement heureux. Sa fierté blessée par ses ‘magnifiques prouesses’ sur la patinoire, ne semblait plus occuper une place aussi importante dans ses pensées. Il en avait presque oublié à quel point il ronchonnait il y a encore quelques minutes à peine. C’était ce qu’il appelait ‘l’effet Kally’. Il suffisait qu’elle soit auprès de lui, pour qu’il arrête de se prendre la tête, et que chaque problème semble alors devenir plus léger, et beaucoup moins catastrophique. C’était bien connu, Liam était un grand pessimiste qui intériorisait la plupart des émotions et impressions, et il était loin d’en être fier. Mais Kally l’aidait à oublier ce genre de défauts qui persistaient chez lui.
Il fronça alors légèrement les sourcils, ne quittant pas la jeune femme des yeux pendant qu’elle le fixait avec ce petit sourire définitivement trop adorable pour qu’il puisse être de mauvaise humeur, rien qu’en le voyant.

« Hey, j’espère que t’es pas là depuis longtemps ! » s’exclama-t-il soudain, l’expression anxieuse. « Rassure moi en me disant que tu viens tout juste d’arriver et que tu ne m’as pas vu… virevolter dans toute ma splendeur sur la glace » termina-t-il avec un grand sourire. Si ce qu’il venait de faire sur la patinoire, s’appelait ‘virevolter dans toute sa splendeur’… Ca se passait vraiment de commentaires. Bien sûr que ça ne lui ferait pas plaisir de savoir que Kally avait assisté à son spectacle de pingouin auquel il s’est prêté corps et âme. Mais ce n’était pas la fin du monde, et il se disait que ce n’était pas parce qu’il n’était pas un patineur professionnel, qu’elle allait moins l’aimer. Il l’espérait en tout cas. Embrouillé par ses propres pensées – comme toujours, - Liam plissa à nouveau le nez, en plein doute, avant de soupirer. « La vérité c’est que, je sais pas si t’as remarqué, mais moi on dirait plus que je danse de la tecktonik sur glace au lieu de patiner comme un être humain normal » avoua-t-il avec un petit gloussement amusé, avant de se pencher vers Kally, et déposer un baiser sur ses lèvres. « Je suis content de te voir. Je pensais à toi, justement »

En seule réponse à sa remarque sur ses fantasmes, elle ricana juste, et reprenant son sérieux, lança un regard aguicheur et hausa les sourcils avec un sourire mutin aux coins des lèvres. Elle esquissa un large sourire, heureuse de voir qu’il était, lui-même, heureux de sa présence. Ce petit jeux de ‘je sourie quand tu es là’ était un petit jeu, une habitude qui s’était installé entre ces deux là, qui avait un besoin maladif l’un de l’autre pour aller mieux et oublier les soucis du passé et, ou, du présent.
Elle prit une profonde inspiration, immergeant soudain de ces pensées si profondes, et plongea ses yeux dans le regard clair de Liam qui se battait tant qu’il le pouvait avec les patins. Kally, s’installa alors à côté de lui, et ne put s’empêcher de rire à son exclamation.
- Ah nan !! J’ai loupé de ce merveilleux moment. Je n’en doute pas une seule seconde, tu devais être prodigieux sur la glace…Une grosse saucisse qui glisse sur une planche de moutarde.

Elle connaissait suffisamment Liam pour savoir qu’il avait une fierté tellement grande que le simple fait de savoir même sa petite amie l’avait vu apeuré comme un caniche devant une marre d’eau, l’aurait complètement … Comment dire, d’une certaine façon touché dans son petit cœur de pierre sa fierté masculine.
Elle hoqueta, amusée de la dernière phrase qu’il venait de dire.
- Ah de la tecktonik ? Vraiment ? Rolalala je suis vraiment dégoûtée d’avoir ratée ça. Mais si tu es aussi douée sur la glace qu’en Géopolitique je veux bien te croire.
Dit elle avec un sourire mesquin aux coins des lèvres, avant de l’attraper par les épaules et l’embrasser sur la joue pour s’excuser.

- Moi aussi j’suis contente de te voir…Mais…
Elle fit une pause, arqua un sourcil d’un air interrogateur et des plus suspect.
- Qu’est ce qui te faisait penser à moi ?
Elle jeta un rapide coup d’œil vers la patinoire, analysa d’un regard circulaire la piste glacée, et finit par pointer un point du bout de son index :
- La grosse dame et ses cinq enfants gémiards là bas ? Ah non celle là…La blonde en débardeur avec ses seins qui débordent. Ou lui ? Le papi avec des grosses moustaches ?...Un mélange de tout ça ?
Elle éclata de rire, et se redressa, tapota ses cuisses et tendit sa main vers Liam en faisant des signes de tête vers le petit marchand ambulant qui s’était installé non loin de la patinoire pour vendre des cafés, chocolat chaud et autres douces sucreries.
C’était drôle à dire, mais la relation Kaliam était aussi basée, non pas seulement sur de l’amour, au sens sentimental, mais l’amour du chocolat, de sucreries et de tous ces mets somptueux qui vous font prendre des kilos en trop.
- Allez vient champion, c’est pas parce que t’es nul en patinage artistique que je ne t’aime plus. On a qu’à dire que tu es doué dans d’autres sports.
Souligna-t-elle par un clin d’œil, remarquant qu’à côté une vieille grand-mère hoqueta d’un petit cris de perdrix en entendant la phrase de la jeune Kally qui se pinça les lèvres pour éviter d’exploser de rire.